Peau D'Âne - Charles Perrault

Peau d'Âne est un récit universel, intemporel. Bien avant que la période baroque n’en fixe la narration sous la plume de Perrault, on en trouve déjà des traces dans la tradition orale, et chez les grands conteurs italiens et français de la Renaissance : Straparole (Les Nuits Facétieuses, 1550), et Bonaventure des Périers (Nouvelles Récréations et Joyeux Devis, 1568). Et bien plus tard, au XXème siècle, le cinéma d'auteur en fait sa matière première, à travers le film inoubliable de Jacques Demy porté porté par la partition musicale de Michel Legrand. C'est bien que cette histoire, ce mythe qui traverse le temps, a toujours quelque chose d'essentiel à nous dire. Jacques Demy, cinéaste-conteur, en résume bien la puissance évocatrice : "Les contes quels qu'ils soient, je les ai tous lus. Dans ma jeunesse, j'adorais ça. Adulte, quand j'ai relu les contes, j'ai pensé qu'il y avait avec Peau d'Âne deux films : un film pour les adultes, et un film pour les enfants. C'est rare de trouver un sujet qui soit passionnant pour tous". C'est cette double ambition de faire rêver et réfléchir, de s’adresser aux adultes et aux plus jeunes, que se propose la Compagnie La Demeure, par ce retour aux sources du Conte, et à la langue poétique de Charles Perrault.

Mais il est rare aussi de trouver dans les Contes une figure féminine d’une telle amplitude, d’une telle complexité. Car le récit des aventures de Peau d’Âne se lit véritablement comme un parcours de résilience au féminin, et un superbe portrait de femme, découvrant sa puissance dans les épreuves traversées. Épreuve terrible que d’échapper à l’inceste paternel programmé sous le nom de mariage. Et c’est en se plaçant sous l’indéfectible guidance de la Fée Marraine - inoubliable Delphine Seyrig ! - que l’Infante trouvera les ressources intérieures pour briser la loi patriarcale criminelle, et inventer un chemin de liberté. Ce chemin passe par une autre épreuve : revêtir la Peau d’Âne, oser prendre un chemin d’exil. Or cette Peau est étrangement réversible : à la fois figure de la monstruosité, de la marginalité, c’est aussi un lieu protecteur, voire matriciel. À la fois repoussante et bienfaitrice, la Peau d’Âne est l’espace d’éclosion d’une métamorphose singulièrement moderne : celle d’une femme puissante, libre de déterminer son propre destin, de partir à la rencontre du monde, et surtout à la rencontre d’elle-même.

Alexandra in a silver dress
Alexandra in a silver dress
Claire playing a cello in a courtyard
Claire playing a cello in a courtyard